jeudi 6 octobre 2016

Funérailles de Ted Benoit, 6 octobre 2016, allocution de Jean-Luc Fromental

Le moment fut émouvant et plein de bon souvenirs. Famille et amis de Ted/Thierry Benoit se sont retrouvés cet après midi du 6 octobre 2016au Père Lachaise sous un soleil radieux.

Entre moments de recueillement et chansons (Bob Dylan, The Beatles), deux allocutions furent pronocées, sous le regard du buste de Ray Banana (réalisé par Liza Benoit en 2014).



Jean-Luc Fromental, mémoire vivante des arts et plume subtile, intervenait en premier, relatant les souvenirs des années Métal. Il fut suivi par l'une des deux sœurs de Ted Benoit (l'ainé, il avait deux sœurs et un frère). Elle relatait les souvenirs de l'enfance de Ted Benoit dont le génie se révéla très tôt et prit de multiples formes. Les amis qui connaissaient très peu cette époque n'en furent cependant pas surpris tant la culture et l'esprit de l'homme ne pouvaient trouver leurs racines que dans une curiosité fondatrice.

Voici le texte que Jean-Luc Fromental a écrit et prononcé devant l'assemblée :

Ted Benoit – le 6 octobre 2016 – Père Lachaise
Texte Jean-Luc Fromental

Nous étions à Nérac, pour célébrer la mémoire de l'un de nos grands absents, Yves Chaland, quand la nouvelle est tombée. Un froid terrible s'est abattu sur notre petit groupe, constitué en grande part d'amis proches, de compagnons de route de Ted, Thierry Benoit.
Le chagrin, un chagrin indicible, discret mais profond, a teinté ce moment qui devait être de pur bonheur, auquel Thierry et Madeleine devaient participer.
Chacun de nous, je pense, dans le secret de sa conscience, a été assailli de souvenirs très chers.
D'images… 
L'acuité du regard cachée derrière les verres fumés… la bonhommie du visage à l'abri d'une petite moustache à la Clark Gable… la réplique caustique habillant la pudeur, la mesure, la sagesse et la générosité des propos…
Ted Benoit est, était, Ray Banana. 
Je l'ai connu à Métal Hurlant. Nous nous sommes plu tout de suite. J'ai aimé, dans ce petit monde de bruyants histrions, de pirates tonitruants, sa discrétion, son opiniâtreté à l'ouvrage, son insatiable passion du cinéma, son inlassable curiosité, et surtout cet élan qui le lançait à l'assaut de tâches, de projets, d'aventures que tant d'autres auraient estimés hors de portée.
Il publiait dans Métal Aventure, dont je m'occupais, les merveilleuses pages de Bingo Bongo, variations joyeuses et sexy sur cette Ligne Claire dont il s'est imposé comme l'un des maîtres, après avoir fait, comme d'autres, un tour du côté de chez Moebius. Il est prêt de lui, à présent, à la droite de Jean, au Panthéon de ces artistes qui nous ont donné tant de bonheur.
Mais attention, le philosophe Maurice Blanchot prévient : "L'image est bonheur, mais près d'elle le néant séjourne…" Il ajoute : "A  sa limite il apparaît, et toute la puissance de l'image, tirée de l'abîme en quoi elle se fonde, ne peut s'exprimer qu'en lui faisant appel."
Alors voilà, la belle, la fragile, la rassurante image se déchire, pour nous révéler ce qui nous attend, ce néant.
Ne t'en fais pas, Ted, nous arrivons.
Nous sommes les sursitaires.
Heureusement, il reste la mémoire, la culture, le discernement de ceux qui viendront après nous, lecteurs, exégètes, gens du livre, et tous te promettent, c'est certain, une forme d'immortalité.
Madeleine,  Liza, Fanny, Joseph, nous sommes près de vous, tout contre vous, dans ce moment très sombre.
Nous partageons avec vous ce qui nous reste d'espoir et de lumière.





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